La stérilisation chirurgicale — castration chez le mâle, ovariectomie ou ovario-hystérectomie chez la femelle — est une intervention fréquente en médecine vétérinaire. Elle est souvent envisagée pour éviter les portées non désirées, faciliter la cohabitation ou limiter certains comportements. Mais au-delà de ces aspects pratiques, cette décision a des conséquences durables sur la santé, le développement et le comportement de l’animal. Le timing joue un rôle central : selon qu’elle est réalisée trop tôt ou trop tard, la stérilisation peut présenter des intérêts… ou des risques, différents selon le sexe, la race, l’âge et le mode de vie.

Bénéfices possibles de la stérilisation

Chez la femelle

  • Risque de tumeurs mammaires fortement réduit si stérilisation avant les premières chaleurs (jusqu’à –90 %)
  • Suppression du risque de pyomètre, une infection utérine grave et fréquente chez les chiennes âgées
  • Fin des chaleurs et des grossesses nerveuses, ce qui améliore le confort de vie
  • Facilitation de la cohabitation dans les foyers multi chiens

Chez le mâle

  • Suppression du risque de tumeurs testiculaires
  • Réduction du volume prostatique, ce qui limite les risques de prostatite ou d’adénome
  • Réduction possible de comportements liés à l’instinct sexuel : marquage, fugue, agitation en présence de femelles en chaleur
  • Moins de tensions entre mâles dans certains contextes sociaux

Risques potentiels à prendre en compte

Chez la femelle

  • Risque d’incontinence urinaire hormonale, surtout si la stérilisation est faite très jeune
  • Prise de poids facilitée, liée au ralentissement du métabolisme
  • Risque de troubles articulaires en cas d’intervention trop précoce chez les grandes races

Chez le mâle

  • Prise de poids facilitée, comme chez la femelle
  • Modification du comportement non garantie : certains comportements ne sont pas influencés par les hormones
  • Troubles urinaires possibles mais rares en cas de castration très précoce
  • Fragilisation articulaire possible chez les grandes races

Stérilisation trop précoce

Chez la femelle

  • Retard de fermeture des cartilages de croissance → gabarit modifié, pression sur les articulations
  • Risque accru de dysplasie, boiteries, rupture du ligament croisé
  • Apparition possible d’une incontinence urinaire hormonale à l’âge adulte
  • Maturité comportementale parfois incomplète (peurs, réactivité)

Chez le mâle

  • Croissance prolongée → membres plus longs, squelette déséquilibré
  • Risque augmenté de dysplasie, de rupture ligamentaire
  • Prise de poids et hypothyroïdie plus fréquentes
  • Incontinence urinaire possible, bien que beaucoup plus rare que chez la femelle
  • Immaturité sociale persistante, comportements juvéniles, peurs plus marquées

Stérilisation tardive

Chez la femelle

  • Diminution voire perte du bénéfice protecteur contre les tumeurs mammaires
  • Risque accru de pyomètre, surtout à partir de 7–8 ans
  • Récupération post-opératoire plus lente chez les sujets âgés

Chez le mâle

  • Problèmes prostatiques plus fréquents avec l’âge (adénome, infections)
  • Risque de tumeurs testiculaires présent tant que l’animal n’est pas castré
  • Moins d’effet comportemental si le chien est castré tardivement
  • Anesthésie plus risquée chez les chiens âgés

Et si le vrai risque était ailleurs ?

Ces dernières années, plusieurs travaux ont mis en évidence que la stérilisation ou castration — notamment lorsqu’elle est pratiquée avant la fin de la croissance — peut entraîner certains effets secondaires, en particulier chez les chiens de grande taille, mâles comme femelles. Ces recherches ne visent pas à remettre en cause l’intervention, mais à affiner les recommandations selon le profil de chaque animal. Parmi les points les plus débattus figure le lien possible entre stérilisation et développement de certains cancers.

Stérilisation et ostéosarcome : ce que disent les études

L’ostéosarcome est un cancer osseux particulièrement agressif, touchant plus fréquemment les chiens de grande taille et de races prédisposées. Il affecte généralement les os longs (pattes avant ou arrière), évolue rapidement, et présente un risque élevé de métastases précoces, notamment pulmonaires.

Depuis une vingtaine d’années, plusieurs études se sont penchées sur l’impact du statut hormonal (castré ou non) et du moment de l’intervention sur l’apparition de ce type de cancer. Les résultats montrent un lien possible entre stérilisation/castration précoces et risque accru d’ostéosarcome, chez les deux sexes. Ces données ne signifient pas que l’intervention provoque le cancer, mais qu’elle pourrait en modifier l’incidence chez certains individus à risque.

Études clés

  • Glickman et al., 2000 (États-Unis) : première grande étude épidémiologique sur le sujet. Lien entre stérilisation (chez les deux sexes) et risque accru d’ostéosarcome, notamment chez les grandes races. Consulter sur PubMed
  • Hart et al., 2016 (Étude sur les bergers allemands) : augmentation significative des troubles articulaires et de certains cancers, dont l’ostéosarcome, chez les chiens stérilisés précocement. Lire sur Wiley Online Library
  • Hart et al., 2024 (Frontiers in Veterinary Science) : étude multicentrique sur plusieurs races confirmant l’augmentation des risques de cancers et troubles articulaires après stérilisation précoce. Lire l’étude

Ce qu’il faut vraiment retenir aujourd’hui

La stérilisation et la castration restent des interventions utiles dans de nombreux cas, mais les connaissances ont évolué. On sait aujourd’hui qu’elles ne sont pas neutres, et que leurs effets varient fortement selon le sexe, l’âge, la race, le gabarit et le moment choisi.

Ce qui change avec les études récentes

  • Certaines complications, comme l’ostéosarcome, ne sont pas assez connues du grand public mais doivent être prises en compte, surtout chez les grandes races.
  • Le “bon moment” n’est pas universel : ce qui est recommandé pour une petite femelle n’est pas forcément adapté à un mâle de grande taille.
  • Les anciens repères “avant les premières chaleurs” ou “vers 6 mois” ne sont plus des repères sûrs et doivent être revus selon le profil réel du chien.

Et demain ?

Les connaissances scientifiques évoluent chaque année. Ce qui est pertinent aujourd’hui ne le sera peut-être plus dans cinq ans. D’où l’importance d’un accompagnement vétérinaire personnalisé et d’une décision fondée sur le profil réel de chaque chien.

Une stérilisation raisonnée

C’est s’ajuster, s’informer, et faire un choix qui a du sens — pour ce chien là, à ce moment-là.